
Monaco : un marché figé par son propre succès ?
ActualitésLa rareté foncière demeure la clé de voûte du marché immobilier monégasque. Elle protège la valeur, soutient la stabilité et confère au territoire une singularité absolue. Mais cette même rareté, en empêchant tout ajustement naturel, pourrait aujourd’hui peser sur la vitalité du marché.
Alors que la plupart des grandes métropoles européennes ont enregistré une correction des prix sous l’effet de la remontée des taux, Monaco semble échapper à ce mouvement.
D’après l’IMSEE, 466 transactions résidentielles ont été enregistrées en 2024, dont 101 ventes dans le neuf et 365 reventes.
Le nombre de transactions dans l’ancien recule ainsi d’environ 6 % par rapport à 2023, année qui affichait déjà une baisse de 10,1 % par rapport à 2022.
Le marché demeure stable en termes de valorisation, mais évolue désormais à bas régime : la solidité des prix s’accompagne d’une liquidité réduite.
Une stabilité qui masque une obsolescence silencieuse
Une part significative du parc immobilier date des décennies 1970 à 1990. Bien situés, mais techniquement dépassés, ces immeubles accusent leur âge : isolation insuffisante, distributions rigides, performances énergétiques limitées.
À cela s’ajoute une inadaptation croissante des plans intérieurs : peu de rangements, dressings inexistants, pièces étroites, circulations mal pensées. Ces caractéristiques contrastent de plus en plus avec les attentes d’une clientèle internationale exigeante, habituée à des standards contemporains de confort et de fonctionnalité.
L’absence de correction des prix empêche pour l’instant la revalorisation naturelle de ce segment. Les appartements anciens demeurent souvent affichés à des niveaux déconnectés de leur qualité réelle, ce qui tend à ralentir les transactions et à différer les rénovations.
Des signaux venus du locatif
Dans ce contexte, c’est peut-être du marché locatif que viendront les premiers ajustements.
D’après Savills, les loyers à Monaco ont progressé de 6 % en 2024, atteignant 114,50 €/m²/mois - une hausse de marché réelle, indépendante des revalorisations contractuelles habituelles.
Plus remarquable encore, les appartements de trois chambres auraient vu leurs loyers croître de 56 %, à 142 €/m²/mois.
Là où, dans la plupart des métropoles, les grandes surfaces se louent proportionnellement moins cher, Monaco semble suivre une trajectoire inverse : la taille redevient une source de rareté et de valorisation.
Ce phénomène pourrait s’expliquer par l’arrivée d’une clientèle internationale à haut pouvoir d’achat, souvent issue de pays européens où les régimes fiscaux de type non-dom sont remis en cause. Ces nouveaux profils recherchent des logements spacieux et pérennes, dans lesquels se projeter et y installer leur famille.
Un marché en transition ?
Si cette tendance se confirmait, le marché monégasque pourrait amorcer une transition vers une logique davantage fondée sur le revenu locatif que sur la seule valorisation patrimoniale.
- Les investisseurs pourraient redécouvrir l’intérêt de produits rénovés offrant 2,5 à 3 % nets.
- Les biens anciens pourraient regagner en pertinence, non par la spéculation, mais par leur potentiel de rendement.
- Les promoteurs auraient intérêt à repenser leurs produits autour de volumes plus généreux et de plans modulables.
- Les établissements financiers pourraient adapter leurs modèles à cette évolution, en accompagnant davantage les projets orientés flux que capital.
Dans ce cadre, le regroupement d’appartements pour créer de grandes unités pourrait devenir une stratégie rationnelle, si la demande locative continue de se concentrer sur les surfaces familiales et les biens d’exception.
La rareté reconfigurée
Reste à savoir si cette évolution s’inscrira dans la durée ou si elle n’est qu’un effet conjoncturel d’un marché sous tension.
La rareté foncière demeurera le socle du modèle monégasque, mais la rareté typologique - celle des grands volumes adaptés aux usages contemporains - pourrait, à terme, en redéfinir les critères de performance.
Si les loyers poursuivent leur progression tandis que les prix demeurent stables, le rendement pourrait redevenir un moteur de création de valeur. Ce serait une inflexion importante : celle d’un marché qui, sans renier son statut de refuge, réapprendrait à produire du revenu.