
Monaco réforme en profondeur les professions immobilières
ActualitésUne proposition de loi ambitieuse pour structurer un secteur stratégique
Le 24 septembre 2025, la proposition de loi n° 271 a été déposée au Conseil National de Monaco, marquant une étape déterminante dans l’évolution du cadre juridique applicable aux activités et professions immobilières.
Cette initiative législative intervient plus de vingt ans après la loi fondatrice n° 1.252 du 12 juillet 2002, restée inchangée depuis son adoption. Le texte, composé de 18 articles, vise à moderniser en profondeur les conditions d’exercice, à renforcer la transparence et à professionnaliser durablement le secteur face à un marché de plus en plus complexe et à des exigences réglementaires accrues, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et de conformité financière.
Le texte, composé de 18 articles, vise à moderniser en profondeur les conditions d’exercice, à renforcer la transparence et à professionnaliser durablement le secteur face à un marché de plus en plus complexe et à des exigences réglementaires accrues, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et de conformité financière.
1. Vers un ancrage local renforcé et une responsabilité accrue des acteurs
La première évolution majeure concerne les conditions de délivrance de l’autorisation administrative prévue par la loi de 2002.
Toute personne physique devra désormais résider effectivement en Principauté, et cette exigence s’étendra aux administrateurs et bénéficiaires effectifs des sociétés exerçant une activité immobilière. Les administrateurs devront en outre détenir au moins 25 % du capital social, alignant ainsi le dispositif monégasque sur les standards du GAFI en matière d’identification des bénéficiaires effectifs.
Le texte introduit également un mécanisme d’agrément ministériel pour les actionnaires de sociétés anonymes et en commandite par actions, applicable non seulement lors de la création mais aussi en cas de changement d’actionnariat. Enfin, la réforme formalise l’interdiction d’exercer l’activité immobilière depuis le domicile du professionnel. Une tolérance limitée à deux ans permettra toutefois l’usage temporaire d’espaces de coworking ou de centres de domiciliation pour les jeunes entreprises.
→ Ces dispositions renforcent la présence effective et la redevabilité des acteurs installés à Monaco, tout en assurant un contrôle plus fin des bénéficiaires économiques du secteur.
2. Une carte professionnelle et une formation continue : vers la reconnaissance d’un véritable statut
Inspirée du modèle français, la proposition de loi instaure une carte professionnelle pour les administrateurs, directeurs d’agence et négociateurs. Délivrée pour cinq ans, elle constitue à la fois un instrument d’identification et une garantie de compétence.
Les titulaires devront suivre une formation initiale dans l’année suivant leur prise de fonction, puis une formation de mise à jour tous les cinq ans, condition du renouvellement de la carte.
Les coûts seront supportés par les titulaires eux - mêmes, tandis que des dispositions transitoires épargnent les professionnels déjà en activité à l’entrée en vigueur du texte.
→ Cette mesure marque la volonté du législateur d’instaurer une culture de la compétence et de la conformité, deux valeurs encore trop disparates au sein de la profession.
3. Le mandat écrit devient la norme juridique
Toute opération immobilière devra désormais être encadrée par un mandat écrit, limité dans le temps, y compris sous forme électronique conformément au Code civil monégasque. Le texte interdit le versement de toute rémunération avant la conclusion effective de la transaction et impose, pour les activités de gestion immobilière, une reddition de comptes annuelle.
→ Ces dispositions traduisent un effort salutaire de sécurisation contractuelle et de traçabilité des opérations, limitant les risques de litiges et les zones d’ombre entre professionnels et clients.
4. Les commissions réservées aux titulaires autorisés
La proposition réserve explicitement le paiement des commissions aux seuls professionnels disposant d’une autorisation administrative. Tout versement à un intermédiaire non habilité serait désormais sanctionné.
→ Il s’agit ici de moraliser les pratiques commerciales, en écartant les agents informels et “chasseurs de biens” non régulés qui proliféraient dans les interstices du droit existant.
5. Publicité immobilière : la fin du “far-west digital”
Un nouvel article consacre l’interdiction de toute publicité immobilière effectuée par des non - professionnels. Seuls les acteurs titulaires d’une autorisation pourront publier des annonces, ou déléguer cette faculté à un tiers sous mandat exprès et mention du nom de l’établissement.
Des exceptions subsistent pour les propriétaires agissant pour leur propre compte et les republications désintéressées (notamment sur les réseaux sociaux).
→ Cette clarification vise à protéger la crédibilité du marché monégasque, où l’usage abusif de marques ou d’identités professionnelles pouvait fausser la perception du public et diluer la confiance.
6. Des sanctions réévaluées et plus ciblées
La proposition de loi prévoit des amendes graduées, plus cohérentes avec la gravité des infractions :
- de 9,000 à 18,000 € pour la méconnaissance des obligations administratives ou de mandat ;
- de 18,000 à 90,000 €, voire jusqu’à hauteur du profit indûment réalisé, pour les délits plus graves (exercice illégal, publicité mensongère, perception de commissions sans autorisation).
La suspension ou révocation de l’autorisation pourrait également être prononcée pour les sociétés en cas de manquement grave.
→ Ces sanctions confèrent au dispositif une dimension dissuasive réelle, à rebours d’un arsenal antérieur souvent perçu comme théorique.
Perspectives et enjeux d’application
Si la proposition de loi n° 271 n’a pas encore valeur définitive, elle esquisse déjà une refonte majeure du cadre immobilier monégasque.
Le texte répond à des impératifs légitimes : moralisation du marché, professionnalisation des acteurs, renforcement de la conformité.
Il dote l’administration d’outils modernes de contrôle et aligne la Principauté sur les standards internationaux de transparence et de compétence.
Toutefois, plusieurs interrogations demeurent :
1. Le renforcement des conditions d’accès - résidence effective et détention de capital - pourrait restreindre l’installation d’acteurs étrangers expérimentés, au risque d’un certain repli du marché.
2. La formation obligatoire, bien que nécessaire, pourrait représenter une charge disproportionnée pour les petites structures si aucun dispositif d’accompagnement n’est prévu.
3. L’encadrement de la publicité devra être précisé pour ne pas entraver la visibilité digitale des agences locales, notamment à l’international.
4. Enfin, la proposition n’aborde pas encore la digitalisation du secteur ni la gestion des données immobilières, pourtant au cœur des mutations actuelles.
En somme, la proposition de loi n° 271 traduit une volonté politique claire de moderniser et sécuriser le secteur, mais son impact réel dépendra de l’équilibre trouvé lors des débats parlementaires et de la souplesse des décrets d’application à venir.
Elle confirme néanmoins une orientation nette : faire de Monaco un marché à la fois exemplaire sur le plan réglementaire et sélectif dans l’accès à la profession.